Au-delà
de chaque mur erre
la mer
vive à la mémoire
encore chaude
de sa vague timide
se brisant entre
les orteils bruns
de celui qui vint
hier lui parler.
L’aimé!
Tout lui rappelle
celui qu’elle connaît tel
qu’il se donne la nuit
quand elle est seule et lui
là, à elle.
Oh, Bello!
Du noir des algues séchées
comme les cheveux
crépitant à son toucher,
au lin des filets qui la creusent
comme ces joues broussailleuses
quand elle se faufilent
en-dessous de sa surface flambée,
(Ah, Mio!)
aux éclaircies
Italiennes brèves
et longues et chantantes
comme son rire qui la soulève
tremblante…
Qu’elle se trouble l’Amante!
La blême!
Que les pierres au fond
la rendent lourde à l’âme,
la Grande à la robe bleue…
Et aux sons
qu’elle garde de lui
dans les coffres engloutis,
elle y danse doucement
parfois,
furieusement souvent,
à chaque fois
qu’elle se promet de ne plus
s’y faire prendre… Pendue
à son cou en un anneau perlé,
elle en a marre de se faire trainer
dans le chemin sec,
de se faire assoiffer
de lui, dans sa Sicile.
Vita! Vita!
Sous les rochers de tuile,
quelque part dans cette ile
jaune-or
qui la brûle au sein,
celui qui,
il y a quelques heures
encore
était son radeau
sa voile,
Saverio, dort.
Et là
au-delà de chaque pas,
dans la pensée
profonde
de son amant
elle perd
pied.
Saverio Vita, ou le jour volé
où la mer, sa belle, s’est noyée.
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Photo: Jean-Michel HATTON